Il s'appelle Philippe Crab, mais c'est un pseudonyme. Pourquoi Crab, pourquoi pas, par exemple, Haddock ou Achab, ce serait trop long à expliquer ici. Et puis, surtout, je n'en sais rien.
Bien que ce Crab soit à peu près aussi inconnu qu'au jour lointain de sa naissance (29 mai 1978, dans la bonne ville d'Henri IV : le vert galant ne serait-il pas son aïeul ?), il circule sur son compte quelques petites légendes melliflues qu'il me faut ici dénoncer, le contrat de confiance est à ce prix : il serait un érudit, un poète, triplé d'un virtuose de la guitare plus ou moins sèche. Frustré par les limites actuelles du langage et de la musique, il précipiterait ceux-ci, à des cadences vertigineuses, dans d'inédites directions (ou des directions inédites), tel Napoléon ruant vers l'Est ses armées de moins en moins révolutionnaires, soit dit en passant. On sait ce qu'il advint.
Ceux qui connaissent la vérité (j'en suis) se fendent ouvertement (comment faire autrement ?) la gueule.
Soyons sérieux, un tel bonhomme n'existe pas. En tout cas, il y a erreur sur la personne. S'il était tel, vous auriez déjà entendu parler de lui : CQFD. Redressons le portrait, c'est-à-dire : tordons-le. Conscient d'être un assemblage farfelu de lacunes plus ou moins criantes (comme nous tous, ma bonne dame), un précipité instable d'à peu près tout et n'importe quoi, un jardin demi clos, pas très grand, négligé, menacé d'entropie, arrosé de temps à autre par des pluies acides et radioactives, Crab ne renonce pas cependant à tirer son épingle du jeu. Soyez sûrs que si quelqu'un l'en retire à sa place, aussi tordue et rouillée soit-elle (l'épingle, pas la place, vous n'écoutez rien), il la gardera pour lui.
Peut-on lui en vouloir ? De ne savoir ni le latin, ni l'occitan, ni vraiment le français, et pourtant de les baragouiner chaque jour ? De connaître à peine ses gammes, et d'en escalader de nouvelles, qu'il oublie aussitôt ? De mal jouer les fandangos, et de s'essayer au farrago ? Son mot d'ordre : tirons plaisir de nos lacunes, repartons donc nous briser joyeusement les dents sur les ailes des moulins à vent, mille fois de suite s'il le faut, avec un sourire de plus en plus grand, de plus en plus béant au fur et à mesure que se fracasse le vieil ivoire. Parce que, sans vouloir vous attrister, je ne dois pas être le premier à vous le dire : tout finira mal.
(soupir)
Qui se retrouve dans ce portrait n'hésitera pas à le suivre, voire à le précéder, au moins le temps de quelques brasses. Tous deux réinventeront la nage en tandem, en déposeront le brevet et, à défaut de faire fortune, ils auront au moins passé du bon temps ensemble.
En chapeau-tandem Botta et Crab rôdent aux avant-postes d'Aase. Lieu liminaire, voué au nouveau départ, Aase n'est pas dépeuplé : Miggen, Brîlûk, Mijn, Supérette, Hermès aux santiags ailées ou la jument Photomaton y forment des hordes d'incurables. En pays d'Aase est fait de passages de relais comme on remet une meute en main propre.
‘Fraternelles’ vous engage deux bonhommes de front dans un même terrier. Dans les mêmes boyaux de la même mine. Dans le même MINIER, et gaffe aux fuites. En vérité ce sont les chansons qui sont fraternelles. Elles se font des accolades, elles s’accolent, dans les mots les musiques et ce qui traîne entre les deux, les paroles et les aboiements, elles jappent, se reniflent « fondamentalement », se bataillent à l’occasion. Du terril au chenil : ce disque est un orphelinat pour chiens issus d'une débauche appelée Nature.
"Sa chanson est à peu près impossible à décrire, mais on s'habitue très vite à son excentricité. Parce qu'avant d'être étrange, elle est joyeuse et joueuse, jaillissante, audacieuse, généreuse, inventive, libre, finalement plus lumineuse qu'absconse." LES INROCKS
"Une musique aussi savante que libérée, coulant la virtuosité de Frank Zappa, John Fahey ou Robert Wyatt à la spontanéité brûlante de Captain Beefheart ou Mayo Thompson, l’inquiétante étrangeté des Residents, les bidouillages électroniques de Sufjan Stevens… Un album de rêve" THE DRONE
"Se scrute dans les chansons de Crab ce qui remue et grommelle. Tortueux, le chemin fait office de savoureux périple et invite tout autant à la flânerie qu'à la découverte de saisissants impromptus. Souvent, le musicien opte pour une sorte d'épuisement, de ressassement, privilégie les motifs répétitifs, se joue de la durée. Chaque composition, jusque dans ses dérives instrumentales plus ou moins contrôlées, est question d'agencements à arbitrer, d'espaces à cerner, d'architectures à envisager." LE SON DU GRISLI
"On séjourne dans la musique de Philippe Crab comme on s'abandonne dans la nature, attentif au moindre bruit qui sourd. Chaque chanson se présente comme un instantané, une succession de moments suspendus et authentiques." L'OREILLE ABSOLUE
"Entre déconstruction et haiku, entre virevoltage enthousiaste et contemplation immobile des lieux que l'on traverse, tout est fragile ici" A DECOUVRIR ABSOLUMENT
"Bestiaire, troublant album de Philippe Crab" Bertrand Dicale FRANCE INFO
"Textes très littéraires et orchestrations somptueuses et millimétrées, Philippe Crab revient avec un "Bestiaire" sacrément soigné." POPNEWS
Philippe Crab
La Chambre
1er juin 2008 | NUMÉRIQUE "L'angle choisi - le décalage poétique plutôt qu'un naturalisme sordide - autorise Crab à ne pas hurler ses intentions et surprendre à chaque chanson." PINKUSHION
"Pour les aventureux de la rime tourmentée, qui apprécient les chemins sinueux d'une musique libre et farouche." THE FRENCH TOUCH
"Crab invente la chanson ambulatoire : ses onze morceaux arrangés minutieusement aux limites de la chanson, du rock et du jazz nous promènent d'une rive à l'autre. Mais les paroles ne sont pas en reste, délivrées en flot continu, nous fouettant le visage comme des embruns." POPNEWS